E-Reputation Law - a case study on e-reputation

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E-Reputation Law

Ma e-communication peut-elle être interdite en tant que spam ou usage illicite de données ? (suite)

(b) Chat, Tweets et messages privés : « courrier électronique » ?

Se pose alors la question suivante : quels types de messages sont du « courrier électronique » au sens de la LSSI soumis à l’interdiction de publicité sans « (soft) opt-in »?

L’interdiction contenue à l’article 14, §1 de la LSSI utilise les termes suivants : « L’utilisation du courrier électronique à des fins de publicité est interdite […] ». L’expression « courrier électronique » est elle-même définie à l’article 2, 2° comme suit : « tout message sous forme de texte, de voix, de son ou d’image envoyé par un réseau public de communications qui peut être stocké dans le réseau ou dans l’équipement terminal du destinataire jusqu’à ce que ce dernier le récupère ».

En pratique, la majorité des services de communication « privée » (soit à un nombre limité de destinataires) fondés sur l’écrit (et non l’audiovisuel) entrent dans le champ d’application de cette définition, qu’il s’agisse de services de « chat » (discussion en direct) par écrit, de SMS, de messages privés dans les forums ou sur Facebook ou encore de messages envoyés via iMessage de Apple, via BlackBerry Messenger de RIM ou via Skype. En effet, ces services contiennent généralement deux dimensions : un envoi immédiat par un réseau public de communications et une possibilité de livraison différée au destinataire. Ainsi, si Léon ouvre une fenêtre de « chat » sur Facebook et écrit un message à l’attention de son amie Emma, Emma pourra lire le message en différé lorsqu’elle se connecte au service en question, même s’il s’agit à la base d’un système de discussion « en direct » plutôt que « différée ». Même s’il est vrai que tous les systèmes de « chat » ne contiennent pas cette possibilité de livraison différée, une exclusion systématique de ces systèmes de la définition de courrier électronique au sens de la LSSI est donc à éviter  [Note: Contra, voy. M. TRUYENS, « Aandachtspunten bij online reclame » in P. Van Eecke (ed.), Recht en elektronische handel, Larcier, Bruxelles, 2011, pp. 278-280, qui considère que les systèmes de discussion en direct ne sont pas du tout couverts par l’interdiction de publicité émise par la LSSI.].

En revanche, des communications « publiques » (p.ex. la publication d’un article sur un blog ou sur un forum de discussion auquel l’inscription est libre ou encore un « Tweet » public) ne rentrent pas dans le champ d’application de la définition. En effet, la directive 2002/58/CE du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques, dont la transposition est effectuée pour partie par l’article 14 de la LSSI, limite l’interdiction de publicités non-sollicitées au cas des communications « entre un nombre fini de parties ».

Se pose naturellement la question des cas limites. Un « status update » sur Facebook est-il un courrier électronique à l’attention des 283 amis d’Emma ? Il s’agit en effet d’une communication entre un nombre fini de parties et le service remplit les conditions d’envoi immédiat par un réseau public de communications et de possibilité de livraison différée au destinataire. Un « Promoted Tweet », soit un Tweet qu’une entreprise peut faire apparaître sur la « Twitter timeline » de l’internaute (la liste de Tweets lui étant destinés) même s’il n’a jamais accepté de suivre l’entreprise sur Twitter  [Note: Voy. l’explication des Promoted Tweets par Twitter], se trouve aussi à la limite de la définition, pouvant être considéré comme étant spécifiquement adressé à l’internaute (bien que le Tweet lui-même soit public).

Selon nous, le critère de « nombre fini de parties » est à interpréter comme visant un nombre fini et immuable de parties. De la sorte, la définition de « courrier électronique » recouvre entre autres les e-mails à 27 personnes, les messages privés sur Twitter et le système de chat sur Facebook. À l’inverse, un « status update » par une personne qui vient de s’inscrire sur Facebook et a trois « amis » n’entrerait pas dans le champ d’application de la définition, étant donné que le message en question sera lisible par un nombre croissant de personnes (12 personnes après une semaine, 31 après un mois, etc.). En outre, un post sur le mur Facebook d’une personne ou un Tweet adressé à quelqu’un (p.ex. « @LeonJQ : joli produit – magnifiques photos prises devant l’Atomium! ») pourrait être qualifié de courrier électronique au sens de la LSSI car pareil post ou Tweet comprennent deux opérations, soit un message entre deux personnes spécifiques d’une part et un message public d’autre part.

Sans cette précision de la définition, le risque est qu’à terme même les publicités ciblées, soit des publicités rendues visibles pour les internautes appartenant à une catégorie bien spécifique, soient considérées comme un message entre un nombre fini de parties (l’annonceur et le nombre fini mais non immuable d’internautes appartenant à la catégorie) et soient dès lors soumises à l’interdiction de publicité sans l’obtention préalable d’un « (soft) opt-in ».