E-Reputation Law - a case study on e-reputation

For further information, please visit the e-reputation law website

E-Reputation Law

Quid si ma e-communication est susceptible de s’adresser à des mineurs ?

L’importance du rôle joué par les mineurs pour l’e-réputation d’une entreprise dépend de l’activité de cette dernière. Une entreprise dont les produits ou services peuvent aussi être utilisés (ou convoités) par les mineurs aura tendance à chercher à leur adresser un discours spécifique ou du moins à les prendre en compte dans son discours général. Les mineurs (tout particulièrement les adolescents), fort actifs sur internet, sont en effet souvent enclins à partager leurs découvertes online et ont probablement plus de temps libre que leurs aînés.

Dans le cas de Janssens-Quidam, le produit lui-même est au moins partiellement destiné aux mineurs, ayant pour public-cible les 12-30 ans. En outre, les photos postées par les internautes mettent généralement en scène des jeunes de 15-24 ans, fiers d’avoir le même chapeau que leur idole hollywoodienne.

(a) Règles spécifiquement liées aux mineurs

(i) Le Code pénal : abus, sexualité et bonnes mœurs

Le Code pénal interdit une série de comportements qui sont spécifiquement liés aux mineurs.

Ainsi, en vertu des articles 380ter et suivants du Code pénal, est interdite la publicité pour une offre de services à caractère sexuel s’adressant spécifiquement à des mineurs ou mettant en scène des mineurs (ou des personnes prétendues telles).

Une interdiction qui peut être pertinente pour une variété plus grande de communications publicitaires se retrouve à l’article 493 du Code pénal : le fait d’abuser des besoins, des faiblesses, des passions ou de l’ignorance d’un mineur pour lui faire souscrire, à son préjudice, des obligations, quittances, décharges, effets de commerce ou tous autres effets obligatoires est interdit.

Par ailleurs, les autres interdictions contenues dans le Code pénal sont également à garder à l’esprit, notamment l’interdiction d’outrages publics aux bonnes mœurs. Des communications publicitaires mettant en scène des comportements qui sortent de l’ordinaire sont donc à examiner avec prudence.

(ii) Enfants ou adolescents ?

Comme ../indiqué précédemment, l’article 94, 5° de la LPMC érige en pratique commerciale agressive (et donc interdite) le fait de « dans une publicité, inciter directement les enfants à acheter ou à persuader leurs parents ou d’autres adultes de leur acheter le produit faisant l’objet de la publicité ».

L’absence de définition du terme « enfants » dans la LPMC est à déplorer  [Note: Voy. ainsi A. Nottet, « Mineurs et téléphonie mobile », R.G.D.C. 2008, p. 251.]. S’il est vrai que la jurisprudence ne paraît pas avoir eu à trancher la question, on peut néanmoins s’en référer à la distinction effectuée par la Commission européenne entre les « enfants » et les « adolescents » dans le cadre de la mise en œuvre et l’application de la directive 2005/29/CE (dont la LPMC vient transposer les dispositions) :

« Les enfants pourraient être particulièrement vulnérables aux publicités pour les jeux vidéo. Bien qu’une part importante du public ciblé soit constituée d’adultes, un professionnel pourrait raisonnablement prévoir que de telles publicités pourraient avoir une incidence sur une catégorie vulnérable de consommateurs telle que les enfants. Par exemple, la compatibilité d’un jeu vidéo avec un appareil spécifique peut être suffisamment claire pour un adulte mais, en raison du mode de présentation de l’information, induire les enfants en erreur.

Les adolescents représentent une autre catégorie de consommateurs souvent ciblée par des professionnels malhonnêtes. Par exemple, la promotion de produits plaisant particulièrement aux adolescents, d’une manière qui exploite leur inattention ou leur manque de réflexion dû à leur immaturité. Ainsi, une publicité pour des services de téléphonie mobile affirmant que la souscription à un programme de fidélisation spécifique permet de se faire aisément des amis et de garder le contact avec eux est susceptible d’être davantage prise au sens littéral par les adolescents; »  [Note: Commission européenne, Orientations pour la mise en œuvre et l’application de la directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales, op.cit., pp. 31-32 (disponible en ligne).]

Vu cette distinction opérée par la Commission européenne entre la notion d’enfant et celle d’adolescent, il existe des arguments pour considérer que l’article 94, 5° de la LPMC ne vise pas les adolescents. Il serait alors possible dans une publicité d’inciter directement les adolescents à acheter le produit objet de la publicité.

Reste cependant à définir l’âge auquel l’enfance cesse et l’adolescence commence. À cet égard, la terminologie utilisée dans la version anglaise (apparemment la version de base pour les versions française et néerlandaise  [Note: Le graphique à la fin du document, qui explique les étapes du raisonnement pour déterminer si une pratique commerciale est permise ou interdite, contient encore les mots « Practice is prohibited » en anglais, tant dans la version française que dans la version néerlandaise.]) de la note de la Commission européenne peut venir à notre secours : le terme « teenager » est utilisé. Or ce terme vient désigner les mineurs d’un âge qui finit en « -teen » (« thirteen », « fourteen », …).

On peut dès lors raisonnablement argumenter que la catégorie « enfants » de la LPMC vise les mineurs de moins de 13 ans et que, dès lors, les mineurs de 13 ans ou plus peuvent être la cible directe d’une publicité visant à promouvoir l’achat d’un produit.

D’autre part, on soulignera que l’article 94, 5° de la LPMC ne concerne que l’achat. L’incitation d’enfants à télécharger des biens digitaux disponibles gratuitement (et légalement, bien entendu) ne sera donc normalement pas une infraction à cette disposition.

Enfin, il convient de rappeler que, comme l’indique la Commission européenne dans le passage cité ci-dessus, les enfants et les adolescents peuvent tous deux être des « consommateurs vulnérables ». Sera donc déloyale toute pratique commerciale qui (i) est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et (ii) altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du membre moyen du groupe d’enfants ou d’adolescents (jusqu’à 17 ans inclus) auquel il s’adresse par rapport au produit concerné (article 84 LPMC).